Jacques Trolley de Prévaux

Publié le par Mémoires de Guerre

Jacques Marie Charles Trolley de Prévaux, né le 2 avril 1888 à Paris 7e, mort, fusillé par les nazis, avec sa femme Lotka Leitner (née en 1905 à New York), le 19 août 1944 à Bron, est un amiral et résistant français. Il est Compagnon de la Libération. 

Jacques Trolley de Prévaux
Jacques Trolley de Prévaux
Jacques Trolley de Prévaux

Jacques Trolley de Prévaux nait dans une ancienne famille catholique de noblesse de robe à la fortune modeste, dont les racines sont en Normandie, anoblie par Henri III en 1586. Hormis une lointaine parenté avec un descendant de Jean d'Arc, frère ainé de Jeanne d'Arc, on ne compte aucun soldat dans la famille. Son grand-oncle, professeur de droit à Caen est l'auteur d'un Traité de la hiérarchie administrative. Amédée de Margerie (1825-1905), son grand-père maternel, issu de la famille Jacquin de Margerie, fut doyen de la faculté de lettres de l'Université catholique de Lille, fonda l'université catholique de Nancy et est l'auteur de nombreux ouvrages. Alfred, son père, mort en 1921, fut professeur de droit commercial à l'institut catholique de Lille. Sa mère meurt en 1899, il a onze ans. Il fait ses études à l'école Saint-Joseph de Lille. Il est passionné de lecture et le restera toute sa vie. Il décide de devenir marin et entre à l'École navale en 1906 (troisième sur quarante-huit). Il en sort en 1908 (cinquième sur quarante-huit). Il termine sa formation par un tour du monde sur le croiseur-école Duguay-Trouin de 1908 à 1909.

Il commence une carrière dans la Marine nationale et reçoit sa première affectation, à Toulon, en 1910, sur le cuirassé Charlemagne. C'est alors qu'il est initié à l'opium, dont la consommation était courante à l'époque dans la Marine, particulièrement à Toulon qui comptait de nombreuses fumeries. Comme enseigne de vaisseau, il sert en mer (1912-1913), à bord du croiseur Descartes, sur lequel il parcourt l'Atlantique (Dakar, les Canaries, le Brésil, Cuba, Haïti, les Antilles, Terre-Neuve, etc.). En avril 1914 il est affecté à la division des flottilles de la 1re armée navale, officier en second sur le torpilleur d'escadre Fanfare. Trolley de Prévaux participe à la Première Guerre mondiale, en premier lieu en Méditerranée. En août 1914, il est officier canonnier et de manœuvre sur le torpilleur d'escadre Chasseur, puis, en mai 1916, sur le Paris, comme adjoint à l'officier fusillier et en juin de la même année officier en second sur la canonnière Diligente. Eu juin 1917, il obtient l'affectation qu'il avait demandée dans l'aéronautique navale en 1915. Il effectue alors un stage de formation au pilotage des ballons dirigeables, à Saint-Cyr. Breveté d'aéronautique, et nommé lieutenant de vaisseau, il prend son premier commandement, celui du centre de dirigeables de Marquise-Rinxent dans le Pas-de-Calais, près de Boulogne-sur-Mer (octobre 1917-novembre 1919). Il a sous ses ordres une centaine de personnes.

Le dirigeable était une arme très efficace contre les navires, dépourvus alors de défense antiaérienne ; son rôle se situait également dans le guidage des navires, le réglage des tirs, la détection des mines et la lutte anti-sous-marine. À la fin 1917, l'aéronautique navale atteint une importance jamais égalée depuis, avec 700 avions, 460 pilotes et une vingtaine de dirigeables. Durant cette période, Jacques de Prévaux effectue de nombreuses heures de vol et obtient la Légion d'honneur, la Croix de guerre et une citation à l'ordre de la brigade. Après la Grande Guerre (1918-1919), il survole en dirigeable les lignes de front depuis Nieuport jusqu'à Verdun et filme les ravages causés par la guerre. Ce film ne sera découvert, et montré à sa fille, qu'à la fin des années 1990. Au début de l'entre-deux-guerres, Trolley de Prévaux prend le commandement du centre de dirigeables de Montebourg dans la Manche (novembre 1919-février 1920). En février 1920, il est en poste au cabinet du ministre de la Marine, comme officier de l'état-major du ministre Adolphe Landry puis Gabriel Guist'hau6.

Le 12 avril 1920 à Paris 8e, il épouse Blandine Ollivier, issue de la haute bourgeoisie et petite-fille du député Émile Ollivier, ancien ministre et chef du Gouvernement sous Napoléon III (1869-1870) et académicien et de Blandine Liszt. C'est le cousin germain de Jacques, Roland de Margerie qui a fait les présentations. Ils auront deux filles, mais divorceront en juillet 1939. Blandine Ollivier, qui parle italien, est l'auteure d'un livre sur la jeunesse fasciste italienne, Jeunesse fasciste (Gallimard, 1934). Pour écrire ce livre elle effectue des enquêtes et reportages et obtient des interviews de Ciano, gendre de Mussolini qu'elle a l'occasion de rencontrer, lors de leur voyage en Italie, à l'automne 1933 ; le résultat est une description « dithyrambique[s] de cette jeunesse » et « exprime l'admiration de l'auteur pour les réalisations de Mussolini ». De Prévaux est nommé à la tête d'une escadrille de dragage de la flottille de Toulon et commande la canonnière Diligente (janvier 1922-janvier 1924). En juillet 1923 il est capitaine de corvette.

Il retourne aux dirigeables, le 1er juin 1924, comme commandant de la base d'aéronautique navale de Cuers-Pierrefeu dans le Var (juin 1924-août 1926). À ce poste il a la responsabilité des grands dirigeables, dont le zeppelin Méditerranée (ancien Nordstern), dommage de guerre cédé à la France par l'Allemagne (l'autre, rebaptisé Dixmude, avait sombré en décembre 1923, frappé par la foudre). Cuers est aussi la base d'une escadrille de Goliath, avions de bombardement qui participent à la guerre du Rif. De 1926 à 1930 il occupe le poste d'attaché naval à Berlin. Puis, en janvier 1928 il est promu capitaine de frégate. De mai 1931 à juillet 1933, il commande l'aviso Altaïr affecté à la défense de la concession française de Shanghai. De 1934 à 1935 il est commandant de la base aérienne de Rochefort, puis il fait un stage à Toulon et se spécialise au Centre des hautes études navales et à l'Institut des hautes études de défense nationale, jusqu'en juillet 1937. C'est à cette époque qu'il rencontre celle qui va devenir sa seconde épouse, une jeune Juive d'origine polonaise, naturalisée française, Lotka (Charlotte) Leitner. Comme capitaine de vaisseau (août 1937), il obtient, en août 1938, le commandement du croiseur Duguay-Trouin, basé à Toulon, remplaçant de celui sur lequel il avait fait ses premières armes. En 1939, son navire est chargé de convois vers l'AOF, puis affecté à la division navale du Levant. 

Lors de la Seconde Guerre mondiale, au moment de l'armistice du 22 juin 1940, avec son croiseur le Duguay-Trouin, il se trouve à Alexandrie, sous les ordres de l'amiral Godfroy commandant d'une escadre, la Force X. Lorsque survient l'opération Catapult, déclenchée le 2 juillet 1940, par le Premier ministre britannique Winston Churchill, cette flotte est mise hors de combat pacifiquement, le 7 juillet, après un accord entre les deux amiraux, Godfroy et Cunningham. Contrairement à quelques officiers et soldats, comme par exemple d'Estienne d'Orves, il ne rallie pas alors la France libre. À la suite d'une grave maladie, il est rapatrié en France (à Toulon), en novembre 1940. En juillet 1941, il est nommé président du tribunal maritime de Toulon. C'est alors qu'il prend contact avec la Résistance en se rapprochant du réseau de renseignement franco-polonais « F2 ». Il est limogé de son poste et mis en disponibilité, en décembre 1941, par l'amiral Darlan, vice-président du Conseil du Gouvernement de Vichy, en raison de ses sympathies gaullistes et pour la Résistance.

Il s'engage alors, début 1942, dans le réseau « F2 » sous le pseudonyme « Vox ». Comme informateur, il fournit aux Alliés des renseignements très importants sur la marine allemande. Sa femme Lotka (nom de résistante Kalo) est très active à ses côtés dans ce réseau. Après un premier dispersement du réseau, consécutif à l'occupation de la zone Sud, en novembre 1942, par les Allemands et les Italiens et de nombreuses arrestations, Trolley de Prévaux, participe à sa reconstruction. Pour les renseignements de la plus haute importance qu'il fait parvenir à Londres, les Britanniques lui décernent la Distinguished Service Order en 1943. Il est à la tête du réseau « Anne », branche « Méditerranée » (Marseille, Toulon, Nice), du « F2 » reconstitué en mai 1943. Ce réseau, très actif pendant plus d'un an, transmet quantité de renseignements sur les mouvements des unités allemandes navales et aériennes, les travaux de fortifications, renseignements très utiles pour le débarquement allié en Provence. Il est arrêté par la Gestapo, le 29 mars 1944 à Marseille, ainsi que sa femme. Emprisonné aux Baumettes puis à la prison Montluc à Lyon, il est torturé. Il ne parle pas et endosse la responsabilité des actions de son réseau. Le 19 août 1944, ils sont tous deux fusillés à Bron, lors d'une des dernières exécutions opérées par les nazis avant leur départ de Lyon. Jacques de Prévaux est inhumé à Villeurbanne, à la nécropole nationale de la Doua.

Publié dans Militaires, Résistants

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