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Revue de presse de l'Histoire - La Seconde guerre mondiale le cinéma les acteurs et les actrices de l'époque - les périodes de conflits mondiales viètnamm corée indochine algérie, journalistes, et acteurs des médias

Andreotti Giulio

Giulio Andreotti, né le 14 janvier 1919 à Rome et mort le 6 mai 2013 à Rome, est un journaliste, écrivain et homme d'État italien, dirigeant de la Démocratie chrétienne et protagoniste important de l'histoire politique italienne du XXe siècle. Proche d'Alcide De Gasperi, il est l'un des principaux animateurs de la Démocratie chrétienne et se voit rapidement confier des fonctions régaliennes au sein du gouvernement italien : il est huit fois ministre de la Défense, cinq fois ministre des Affaires étrangères et deux fois ministre des Finances. Il dirige sept gouvernements comme président du Conseil des ministres, de 1972 à 1973, de 1976 à 1979 puis de 1989 à 1992.

Sa longévité en fait l'un des hommes politiques italiens les plus importants du XXe siècle, d'autant qu'il est successivement membre de l'Assemblée constituante, de la Chambre des députés et du Sénat. Il est nommé sénateur à vie en 1991. Sa personnalité, sa répartie et ses liens présumés avec la mafia lui valurent des surnoms parfois peu flatteurs ou, au contraire, honorables : ainsi, il a gagné, durant sa carrière, le surnom de Divo Giulio, une référence par le latin Divus Iulius au dirigeant de la Rome antique Jules César. 

Andreotti Giulio
Des origines à la politique

Sous le régime fasciste

Giulio Andreotti naît le 14 janvier 1919 à Rome, dans une famille modeste originaire de Segni. Il fait ses études de droit à Rome, durant lesquelles il est l'un des membres de la Fédération des universitaires catholiques italiens (FUCI), la seule association universitaire catholique autorisée par le gouvernement fasciste de Benito Mussolini. Plusieurs de ses membres sont par la suite devenus dirigeants de la Démocratie chrétienne (DC). En juillet 1939, alors qu’Aldo Moro préside la FUCI, Andreotti devient le directeur de son organe de presse, Azione Fucina. En 1942, quand Moro est mobilisé dans l’armée italienne, Andreotti lui succède à la présidence de la FUCI, et ce jusqu’en 1944. C'est à l'occasion d'une visite à la bibliothèque du Vatican qu'il fait la rencontre d'Alcide De Gasperi, protégé du pape et qui sera son mentor.

Durant la Seconde Guerre mondiale, Andreotti écrit des articles et des chroniques pour la Rivista del Lavoro, une publication fasciste, tout en assumant la charge de rédacteur du journal clandestin Il Popolo. En juin 1944, après la libération de Rome, il devient l'un des membres du Conseil national de la DC. Après la fin de la guerre, il est nommé responsable de l’organisation de la jeunesse du parti. En 1945 il est nommé membre de la Consulta Nazionale, l'embryon du futur parlement. En 1946, Andreotti est élu député à l’Assemblée constituante. En 1948, il parvient à se faire élire à la nouvelle Chambre des députés, représentant la circonscription de Rome-Latina-Viterbe-Frosinone, qui reste son bastion politique jusque dans les années 1990. 

Un jeune sous-secrétaire d'État

C'est en 1947 que Giulio Andreotti se voit confier ses premières responsabilités gouvernementales, lorsqu’il devient sous-secrétaire d'État à la Présidence du conseil des ministres, dans le quatrième gouvernement De Gasperi, une fonction qu’il assume jusqu’en janvier 1954, au sein du gouvernement de Giuseppe Pella. Il est, entre-autres, chargé du sport et du spectacle. En 1949, Andreotti a été le promoteur d’une loi concernant l’industrie du divertissement, permettant de ralentir la pénétration du cinéma américain, tout en atténuant l’expression du néoréalisme en Italie. La loi Andreotti a établi des limites aux importations de films, des quotas sur les écrans, et a permis d’octroyer des prêts aux sociétés de production italiennes. 

Cependant, pour recevoir un prêt, un comité dépendant du gouvernement devait approuver le scénario, favorisant ainsi les films apolitiques, tandis que des licences d’exportation étaient refusés aux films susceptibles de donner une mauvaise image de l’Italie. Cette loi a ainsi créé une censure en amont de la production en Italie. Le film Umberto D., de Vittorio De Sica, sorti en 1952, dépeint la vie solitaire d’un retraité. Il était considéré comme un film dangereux par le comité à cause d’une scène d’ouverture montrant des policiers brisant une manifestation de retraités, et de la scène finale montrant la tentative de suicide avortée d’Umberto. Dans une lettre publique à De Sica, Andreotti a fustigé le réalisateur pour son « misérable service rendu à la patrie ». 

Les premiers portefeuilles ministériels

De janvier à février 1954, Andreotti est ministre de l’Intérieur. C’est durant cette courte période que le bandit Gaspare Pisciotta, ancien bras droit de Salvatore Giuliano, est empoisonné dans sa prison, une mort suspecte qui donnera lieu à des théories sur l’implication des autorités italiennes dans ce décès. De 1955 à 1959, il est ministre des Finances puis du Trésor. Il est impliqué dans le scandale Giuffrè (du nom d’une banque fraudeuse) en 1958, lorsqu’il lui est reproché un manque de vigilance en tant que ministre. La Chambre des députés rejette toute accusation contre lui en décembre 1958. Durant cette période, Andreotti commence à construire un corrente (courant politique) au sein de DC, alors le parti dominant et au pouvoir, face au Parti communiste qui était le deuxième parti en Italie. Son courant, très conservateur, était soutenu par l’aile droite de l’Église catholique. 

Il est indiqué comme le fomentateur d'une campagne de presse contre le secrétaire national adjoint de DC, Attilio Piccioni, dont le fils Piero est accusé du meurtre d’un mannequin, Wilma Montesi, dont le corps sans vie avait été découvert à Torvaianica. Après avoir pris ses distances de vieux compagnons de De Gasperi qui entament leur déclin politique, Andreotti s'associe au nouveau courant qui vient d'éclore, les Dorotei, pour évincer Amintore Fanfani (situé à la gauche du parti) de sa position de président du Conseil des ministres ainsi que de celle de secrétaire national de DC. Le 20 novembre 1958, Andreotti, alors ministre du Trèsor, est nommé président du comité d’Organisation des Jeux olympiques d’été de 1960 à Rome. 

Ministre de la Défense

De 1959 à 1966, Andreotti est ministre de la Défense. C’est la période du scandale des dossiers du Service des renseignements des forces armées (SIFAR) et du plan Solo, planifié par le chef d'état-major de l'Armée et ancien résistant Giovanni De Lorenzo, commandité par le président Antonio Segni. Il a été confié au ministre Andreotti le soin de détruire ces dossiers. Il a été avéré qu’avant d’être détruits, ces dossiers avaient été recopiés et transmis à Licio Gelli, dirigeant de la loge maçonnique Propaganda Due (P2), impliquée dans de nombreux scandales dans les années 1980, et avec laquelle Andreotti était fréquemment associé. En 1968, Andreotti est nommé président du groupe parlementaire de la DC, fonction qu’il occupe jusqu’en 1972. 

Président du Conseil des ministres

Le 17 février 1972, à l'âge de 53 ans, il est nommé président du Conseil des ministres et forme son premier gouvernement, celui-ci n'étant constitué que de membres de la Démocratie chrétienne. En font partie quatre anciens chefs du gouvernement : Aldo Moro, ministre des Affaires étrangères, Mariano Rumor, ministre de l'Intérieur, Giuseppe Pella, ministre des Finances, et Emilio Colombo, auquel Andreotti succède, ministre du Trésor. Il se présente, neuf jours plus tard, devant le Sénat de la République, dont il sollicite l'investiture. Or, celle-ci lui est refusée par 158 voix contre 151, ce qui l'amène à remettre la démission de son gouvernement au président de la République, Giovanni Leone. Pour la première fois depuis 1948, le chef de l'État décide alors de dissoudre le Parlement. À l'issue des élections anticipées des 7 et 8 mai suivants, Andreotti est reconduit à la présidence du Conseil. Il s'associe cette fois avec le Parti social-démocrate italien (PSDI) et le Parti libéral italien (PLI), s'assurant ainsi du soutien de 315 députés sur 630 à la Chambre et 154 sièges sur 315 au Sénat, tout en disposant du soutien sans participation du Parti républicain italien (PRI), qui dispose de 15 députés et 5 sénateurs. 

Ce gouvernement centriste, qui voit le retour des libéraux après dix ans passés à l'opposition, devient aussitôt la cible de la presse progressiste. On lui reproche surtout d'avoir créé par décret des primes favorisant le départ volontaire à la retraite des anciens combattants ou résistants et des enfants des combattants ou des résistants tués dans les combats ou lors d'exécutions (les pensioni d'oro, les retraites dorées), qui a eu l'effet de vider du coup les caisses de la sécurité sociale ainsi que les rangs la fonction publique, notamment de l'administration des finances. Le 13 février 1973 le gouvernement Andreotti II décrète la sortie de l'Italie du Serpent monétaire européen. Jusqu'à la création du Système monétaire européen le 13 mars 1979, la lire italienne demeurera dans une situation de changes fluctuants. Sa volonté de réforme télévisuelle étant rejetée par le PRI, opposé également à l'introduction de la télévision en couleur en Italie, Andreotti est contraint de remettre sa démission le 12 juin 1973. Le 7 juillet, il est remplacé par Mariano Rumor, qui forme un gouvernement de centre-gauche. 

Retour à la Défense

Lorsque Rumor forme son cinquième gouvernement, le 14 mars 1974, Andreotti fait son retour dans l'exécutif, de nouveau au poste de ministre de la Défense. Il déclare lors d’une interview que l’État a procuré une couverture à l’activiste d’extrême-droite Guido Giannettini, lors de l'enquête sur l’attentat de la Piazza Fontana commis en 1969. Andreotti a été plus tard acquitté pour cette aide fournie à Giannettini. 

Ministre du Budget

Du 23 novembre 1974 au 12 février 1976, Andreotti assume la charge de ministre du Budget et de la Programmation économique, avec l'intérim du ministère sans portefeuille chargé des Interventions extraordinaires pour le relance du Midi (à savoir de la gestion de la Cassa del Mezzogiorno, un fonds destiné à subventionner les entreprises du Sud en difficulté). Mais il s'agit là d'un rôle presque honorifique, la coordination de la politique économique italienne étant suivie de près par le vice-président du Conseil, Ugo La Malfa, et par le conseilleur économique du chef du gouvernement Aldo Moro, Beniamino Andreatta. Il est confirmé au Budget avec l'intérim des Interventions extraordinaires pour le relance du Midi dans l'éphémère Ve gouvernement Moro, composé par des ministres issus de la DC avec la participation de deux personnalités issues de la société civile (12 février-29 juillet 1976). Pendant cette période, l’Italie a ouvert et développé des relations diplomatiques avec des pays arabes du bassin méditerranéen, une politique qui avait été auparavant menée à un niveau non gouvernemental, notamment par Enrico Mattei à la tête de la compagnie pétrolière jusqu’à sa mort dans un accident d’avion en 1962. Andreotti a également soutenu le développement du commerce entre l’Italie et l’Union soviétique. 

La « non défiance »

En janvier 1976, le Parti socialiste italien (PSI) retire son soutien à la coalition gouvernementale de centre-gauche DC-PRI dirigée par le président du conseil des ministres Aldo Moro. Celui-ci forme un gouvernement de transition dont la charge n'est que d'arriver au printemps pour convoquer des élections anticipées, qui voient la nette progression du Parti communiste italien (PCI), la DC conservant sa majorité relative. L’Italie souffrait alors d’une crise économique et le terrorisme intérieur (attentats et assassinats commis par des groupes d’extrême-gauche et d’extrême-droite) maintenait une tension pesante. Dès 1973, avant même le succès de son parti, le secrétaire national du PCI, Enrico Berlinguer, promoteur de ce que l’on appela l’eurocommunisme, avait proposé aux dirigeants de DC, en proposant de construire avec eux un « compromis historique », basé sur un pacte politique, impliquant la formation d’une coalition entre DC et le PCI. 

Presque un retour à la coalition des six partis antifascistes qui avait gouverné l'Italie de juin 1944 à mai 1947. Étant donné l'impossibilité de reconstituer une majorité de centre-gauche dans le parlement élu le 20 juin 1976, le secrétaire de la DC Benigno Zaccagnini, un proche d'Aldo Moro, cède, et Andreotti est appelé à former le premier gouvernement expérimentant cette formule, le gouvernement Andreotti III. Celui-ci, formé en juillet 1976 ne comportait que des membres de DC et une personnalité issue de la société civile (l'ancien directeur général de la Banque d'Italie Rinaldo Ossola, chargé du Commerce extérieur), mais bénéficiait du soutien indirect des autres partis, à l’exception du parti post-fasciste Mouvement social italien (MSI). Ce soutien était fondé sur la non-sfiducia (non-défiance), signifiant que tout en s'abstenant lors du vote de confiance, ces partis ne voterait jamais des motions de censure. 

L'enlèvement de Moro

Ce gouvernement finit par tomber en janvier 1978. En mars 1978, la crise est surmontée grâce à l’intervention d’Aldo Moro, élu le 9 octobre 1976 président de son parti, qui propose la création d’un nouveau gouvernement, à nouveau formé seulement de membres de DC avec la participation de l'économiste Ossola, mais cette fois avec un vote de confiance des autres partis y compris le PCI (un vote pour et non plus seulement une absence de vote contre). Ce gouvernement, également présidé par Andreotti, est présenté à la Chambre des députés le 16 mars 1978. Le même jour, Aldo Moro est enlevé par un commando des Brigades rouges, groupe terroriste d’extrême gauche. 

Cette situation dramatique a incité le PCI à voter l’investiture du gouvernement Andreotti au nom de la « solidarité nationale », malgré le refus de ce dernier d’accepter certaines conditions préalables. Le rôle d’Andreotti durant l’enlèvement de Moro est très controversé. Il a refusé de négocier avec le groupe terroriste et a été fortement critiqué pour cela par la famille de Moro et une partie de l’opinion publique. Aldo Moro, durant sa détention, a écrit une déclaration exprimant un jugement féroce sur Andreotti. Moro a été tué par les Brigades rouges en mai 1978. Après sa mort, Andreotti est resté président du Conseil des ministres au nom de la solidarité nationale avec le soutien du PCI. 

Chute du gouvernement Andreotti V

Les lois adoptées durant son mandat incluent une réforme du système de santé publique italien. Cependant, quand le PCI a demandé à participer plus directement au gouvernement, Andreotti a refusé, et, perdant son soutien, le gouvernement a démissionné en mars 1979. Andreotti formera ensuite un éphémère gouvernement tripartite (DC, Parti Social-démocrate et Parti Républicain) qui, n'ayant pas obtenu la confiance du parlement, a la charge de gérer les affaires courantes jusqu'à la formation du gouvernement nommé après les élections anticipées. À l'issue de la législature de trois ans, il est le seul à avoir occupé la direction du gouvernement, pour la première fois depuis Alcide De Gasperi

Seuls Silvio Berlusconi, entre 2001 et 2006, puis Romano Prodi, de 2006 à 2008, rééditeront ce fait. À cause de l’hostilité de la gauche de son parti et de ses relations exécrables avec Bettino Craxi, secrétaire national du PSI, partenaire incontournable de la nouvelle coalition, Andreotti n’a plus occupé de fonction gouvernementale jusqu’en 1983. En revanche, de 1979 à 1983 il est le président de la commission Affaires étrangères de la Chambre des députés, poste qu'il avait déjà occupé pour quelques mois en 1973. 

Au ministère des Affaires étrangères

En août 1983, Andreotti est nommé ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement de Bettino Craxi. Il reste à cette fonction jusqu’en juillet 1989, et semble être considéré comme l'un des meilleurs chefs de la diplomatie italienne puisqu’il a, entre autres, encouragé les relations diplomatiques entre les États-Unis et l’URSS, et amélioré les relations de l’Italie avec les pays arabes. À cet égard, il a suivi une ligne similaire à celle de Craxi, avec qui il avait par ailleurs des relations personnelles assez tumultueuses. Andreotti a ainsi soutenu la position de Craxi en faveur de la négociation, lors de la prise d’otage du bateau de croisière Achille Lauro par des activistes palestiniens en 1985.

Le 14 avril 1986, Andreotti a révélé au ministre des Affaires étrangères de la Libye, Abdel Rahman Shalgham, que les États-Unis s'apprêtaient à bombarder Tripoli le jour suivant en représailles de l’attentat à la bombe contre une discothèque à Berlin, liée aux services secrets libyens. Grâce à cet avertissement, les autorités libyennes ont pu se préparer à ce bombardement. Néanmoins, le jour suivant, la Libye a lancé deux missiles Scud sur l’île italienne de Lampedusa, en guise de représailles contre un allié des États-Unis. Toutefois, les missiles ont survolé l’île sans l’atteindre. 

L'ultime mandat de président du Conseil

Alors que les relations de Craxi avec le secrétaire national de DC, Ciriaco De Mita, étaient encore pires qu’avec Andreotti, ce dernier a participé à la création de ce qui fut appelé le « triangle CAF » (d’après les initiales de Craxi, Andreotti et d’Arnaldo Forlani, le président de la DC qui en deviendra le secrétaire en 1989), pour s’opposer à De Mita, président du Conseil à partir d’avril 1988. En juillet 1989, à la suite de la chute du gouvernement de De Mita, Andreotti - qui avait déjà été pressenti après les élections anticipés de 1987 - est appelé à lui succéder. Ainsi que la plupart des gouvernement qui l'ont précédé à partir de 1980, ce sera un gouvernement avec la participation de la DC, du PSI, des social-démocrates, du PRI et des libéraux (le "pentapartito"). Cet ultime mandat de président du Conseil se révèle fort turbulent.

En juillet 1990, il est obligé de remplacer les cinq ministres de l’aile gauche de DC qui avaient démissionné, à la suite de l’adoption d’une loi renforçant le monopole de l'homme d'affaires Silvio Berlusconi sur les chaînes de télévision privées. La tension avec Craxi émerge de nouveau après la publication de lettres écrites par Aldo Moro, critiques envers Andreotti. Ce dernier y voit une manœuvre de Craxi. Le scandale Gladio (la révélation d’un réseau militaire clandestin anticommuniste), les déclarations politiques virulentes du président de la République, Francesco Cossiga, à propos du système politique italien et les premières révélations de l’immense scandale de corruption Tangentopoli (à l’origine de l’opération Mains propres) ont marqué les derniers années de cet ultime mandat.

Le 24 octobre 1990, Andreotti révéla, devant la Chambre des députés, l'existence du réseau Gladio, mis en place clandestinement par les services secrets destinés à lutter contre les communistes s'ils en étaient venus à prendre le pouvoir. Le 12 avril 1991, Andreotti présente son septième et ultime gouvernement au président de la République, Francesco Cossiga. Mais le jour même, les trois ministres issus du PRI démissionnent avec fracas : frustré de ce qu'on lui refuse du ministère des Postes et de la Communication, le secrétaire de ce parti vire de cap et opte pour un soutien sans participation. Andreotti lui-même assumera deux des trois portefeuilles restés vacants : les Participations de l’État et les Biens culturels. 

Une difficile fin de carrière

Sénateur à vie

En avril 1992, à la fin de la législature, Andreotti présente la démission de son gouvernement. L’année précédente, le président de la République Cossiga l’avait nommé sénateur à vie.

La candidature au Quirinal

Giulio Andreotti, président du Conseil sortant, était l’un des candidats les mieux placés pour succéder au président Cossiga, en 1992. Avec le soutien des membres de son courant, le chef du gouvernement, qui avait pour ambition de prendre ses quartiers au palais du Quirinal, souhaitait lancer sa candidature seulement après avoir paralysé ou étouffé celle des autres candidats, dont celle du secrétaire de son parti Arnaldo Forlani. Cependant, cette stratégie fut contrariée par le spectaculaire assassinat à l’explosif du juge antimafia Giovanni Falcone près de Palerme, qui suivait l’assassinat, deux mois plus tôt, de Salvo Lima, un homme politique sicilien étroitement lié à Andreotti. Le choc national et le rejet qui en a résulté des principaux dirigeants politiques a conduit à l’élection, par les parlementaires, d’Oscar Luigi Scalfaro à la présidence de la République, une figure politique nationale de moindre importance, soutenu notamment par la gauche. Andreotti n'a recueilli que deux voix. Ses manœuvres pour se faire élire président seront la cause de l'éclatement de son courant politique : le très influent Vittorio Sbardella abandonnera le navire, et avec lui plusieurs seconds couteaux du parti. 

L'isolement politique

De surcroît, lors de la formation du nouveau gouvernement Amato en juin 1992, la DC aura recours à un escamotage pour en écarter Andreotti. Fait unique dans son histoire, ce parti exigera que les ministres issus de ses rangs démissionnent de leur mandat parlementaire : puisque Giulio Andreotti, sénateur à vie depuis 1991, ne peut pas quitter la haute assemblée, il devra donc renoncer à redevenir ministre. 

Mises en cause judiciaires

Andreotti n’a pas été inquiété par les premières évolutions de l’enquête sur Tangentopoli, qui avait commencé à toucher le PSI milanais et Bettino Craxi. Mais en avril 1993, après avoir été cité dans les témoignages de plusieurs pentiti (repentis mafieux collaborant avec la justice), une enquête a été ouverte sur les liens supposés d’Andreotti avec la Mafia. Le 13 mai, les sénateurs lèvent l'immunité parlementaire de l'ancien président du Conseil, ce qui l'obligera à passer en jugement devant le tribunal de Palerme. Finalement, Andreotti sera acquitté des accusations en 2004 par la Cour de cassation. En 1994, accablée par le scandale et la succession d’arrestations d’hommes politiques corrompus, la Démocratie chrétienne disparaît de la scène politique italienne. Andreotti rejoint alors le Parti populaire italien, créé par Mino Martinazzoli, qui se fondra dans un nouveau parti du centre, La Margherita, en 2001. 

Une figure du Sénat

En 2006, Giulio Andreotti, candidat des partis de centre-droit à la présidence du Sénat, obtient 156 voix, contre 165 pour Franco Marini, qui fut le ministre du Travail de son ultime gouvernement. Le 21 janvier 2008, il s’abstient lors d’un vote de confiance au Sénat perdu par le gouvernement Prodi, qui sera à l’origine d’élections générales anticipées et du retour au pouvoir de Silvio Berlusconi. En effet, selon le règlement du Sénat italien, l’abstention est équivalente au vote contre ; or, le centre-gauche ne disposait à l'époque que d'une très courte majorité et les votes des sénateurs à vie étaient déterminants. 

Le courant andréottien

Le « corrente » (courant) d'Andreotti dans le parti Démocratie chrétienne fondait son assise politique sur Rome et sur le Latium, notamment sa partie orientale. Ses partisans locaux comptaient dans leurs rangs les hommes politiques Franco Evangelisti (son principal bras droit), Vittorio Sbardella (surnommé « Lo Squalo », le requin), et l’homme d’affaires Giuseppe Ciarrapico. Tous étaient impliqués dans des scandales de corruption. Quatre anciens maires de Rome, Amerigo Petrucci, Rinaldo Santini, Nicola Signorello et Pietro Giubilo, ont appartenu au « corrente » de Giulio Andreotti. Le redoutable commentateur politique et ancien ministre Paolo Cirino Pomicino, et le magistrat puis sénateur et ministre Claudio Vitalone (qui a fait l'objet d'une enquête puis fut mis hors cause sur son rôle durant l’enlèvement d’Aldo Moro et dans l’assassinat de Mino Pecorelli) ont été des «andreottiens» irréductibles. Parmi ses amis figurait aussi le cardinal Fiorenzo Angelini, responsable des questions de santé au Vatican, impliqué dans le scandale Tangentopoli. 

Andreotti Giulio
Une figure controversée

Giulio Andreotti a été reconnu coupable de liens avec la mafia jusqu'au printemps 1980 mais pas après, avec sentence définitive en cassation de 2004; cependant, il ne reçut pas de peine car les faits étaient désormais prescrits. Il est cité dans de nombreuses affaires dans lesquelles il était considéré comme l'un des acteurs. 

Les liens avec la mafia et l'acquittement

Andreotti a été la cible d’une enquête sur son rôle supposé dans l’assassinat, en 1979, de Mino Pecorelli, un journaliste qui avait publié des allégations selon lesquelles Andreotti était lié à la Mafia et à l’enlèvement d’Aldo Moro. Un tribunal l’a acquitté le 24 septembre 1999 après un procès qui a duré trois ans, mais le jugement a été infirmé par la cour d’appel de Pérouse en novembre 2002 et il a été condamné à 24 ans d’emprisonnement. Andreotti est resté en liberté du fait de son immunité parlementaire. Un jugement de la Cour de cassation annule finalement les accusations et l’acquitte le 30 octobre 2003. La même année, la cour d'appel de Palerme le reconnaît coupable de liens avec la mafia jusqu'au printemps 1980 mais pas pour la période suivante, faits toutefois préscrits en 2003. Le jugement de première instance, le 23 octobre 1999, l’avait au contraire pleinement acquitté. La cassation confirma le jugement d'appel, le 15 octobre 2004.

Andreotti s’est défendu en disant qu’il avait pris de sévères mesures antimafia quand il était au gouvernement. Au cours de son septième gouvernement (1991-1992), Andreotti a pris une série de dispositions décisives contre la mafia, grâce au travail du juge antimafia Giovanni Falcone. « Quand il dit qu’il a pris des mesures extrêmement sévères contre la Mafia, il ne ment pas », a écrit Eugenio Scalfari, rédacteur en chef du journal La Repubblica. « Je pense qu’à un certain moment, à la fin des années 1980, il a réalisé que la Mafia ne pourrait pas être contrôlée. Il s’est réveillé de cet égarement persistant... et la Mafia, qui a réalisé qu’elle ne pouvait plus compter sur sa protection ou sa tolérance, a assassiné son homme en Sicile », à savoir Salvo Lima, tué en mars 1992. L’assassinat de Lima est un tournant dans les relations entre la Mafia et ses associés politiques : la Mafia s’est sentie trahie par Lima et Andreotti, qui avaient, selon ses chefs, échoué à bloquer la confirmation par la Cour de cassation, en janvier 1992, des condamnations du Maxi-Procès de Palerme de 1986, procès qui avaient envoyé un grand nombre de mafiosi en prison.  

En 1982, Andreotti a demandé au général des carabinieri Carlo Alberto Dalla Chiesa d’accepter la charge de préfet de Palerme. Dans une note datée du 2 avril 1982, adressée au président du Conseil, Giovanni Spadolini, Dalla Chiesa écrivait que les membres siciliens de Démocratie chrétienne étaient largement infiltrés par la Mafia. Selon la sœur de Mino Pecorelli, Dalla Chiesa a rencontré le journaliste (ils étaient tous deux membres de la loge maçonnique P2) quelques jours avant que ce dernier soit assassiné en 1979. Pecorelli a donné au général Dalla Chiesa plusieurs documents contenant de sérieuses accusations contre Andreotti. 

Juste avant de mourir, en 1993, Franco Evangelisti, le bras droit d’Andreotti, a mentionné à un journaliste une réunion secrète entre Andreotti et Dalla Chiesa, durant laquelle ce dernier aurait montré à Andreotti la déclaration complète d’Aldo Moro, rédigée durant sa détention (et publiée seulement en 1990), contenant des révélations dangereuses pour Andreotti. Dalla Chiesa a été victime d’une embuscade dans sa voiture et abattu par des rafales de mitraillette avec sa femme en septembre 1982. L’enquête menée par les juges a permis de déterminer que la Mafia avait planifié cet assassinat depuis 1979, trois ans avant qu’il soit nommé préfet à Palerme. 

Ses relations avec Michele Sindona

Selon les tribunaux de Pérouse et de Palerme, Andreotti avait des relations de longue date avec des gens qui, de différentes façons, avaient des intérêts communs avec le banquier de la Banca Privata Italiana et membre de la loge maçonnique P2, Michele Sindona. De telles relations sont devenues plus étroites en 1976 lorsque la banque de Sindona a fait faillite. Licio Gelli, chef de la loge P2, a proposé un plan pour sauver la Banca Privata Italiana, à Andreotti, alors ministre de la Défense. Andreotti, cependant, n’a pas pu faire approuver ce plan par le ministre du Budget Ugo La Malfa. Plus tard, Andreotti a nié toute implication personnelle, déclarant que la tentative de sauver la banque était une démarche institutionnelle.

Après avoir fui aux États-Unis, Sindona a été arrêté en 1984, extradé vers l’Italie et condamné à l’emprisonnement à perpétuité pour l’assassinat de Giorgio Ambrosoli, le liquidateur de la banque. Il a été empoisonné en buvant une tasse de café empoisonnée dans la prison de Voghera le 20 mars 1986. Le journaliste et universitaire Sergio Turone a suggéré qu'Andreotti avait joué un rôle dans cette affaire en procurant le sucre empoisonné qui a causé la mort de Sindona, après avoir convaincu le banquier que cela lui permettrait seulement de simuler une maladie afin d’être relâché pour raisons médicales. Selon Turone, Andreotti craignait que Sindona révèle des détails dangereux sur son passé, après que sa condamnation a démontré qu'Andreotti avait cessé de le soutenir. 

Ses écrits

Auteur prolifique, publiant presque un ouvrage par an à compter de 1980, Giulio Andreotti laisse surtout des livres de souvenirs, dont deux ouvrages consacrés à son ami, Alcide De Gasperi. Lauréat de plusieurs prix littéraires, son style, quelque peu bureaucratique, reçut un accueil très mitigé de la part des écrivains et des journalistes. Longtemps collaborateur de journaux et revues, il fut le directeur politique d'un bimensuel, Concretezza, dont la publication prit fin en 1976. Féru de littérature latine, longtemps président d'un centre d'études cicéroniens, Giulio Andreotti maîtrisait parfaitement la langue française. 

Honneurs et distinctions
  • Chevalier grand-croix de l'ordre du Mérite de la République italienne
  • Grand-croix de l'ordre d'Isabelle la Catholique en 1985
  • Docteur honoris causa de l'Université Jagellon de Cracovie en 1992
Andreotti Giulio
Résumé des fonctions ministérielles

Il a exercé les fonctions de président du Conseil des ministres italien à sept reprises :

  • du 17 février 1972 au 26 juin 1972, succédant à Emilio Colombo,
  • du 26 juin 1972 au 12 juin 1973, se succédant à lui-même (après une crise gouvernementale de 4 mois), et étant à son tour remplacé par Mariano Rumor (4e gouvernement),
  • du 29 juillet 1976 au 16 janvier 1978, succédant à Aldo Moro (après une crise gouvernementale de 3 mois),
  • du 11 mars 1978 au 31 janvier 1979, se succédant à lui-même (après une crise gouvernementale d'un mois et demi),
  • du 20 mars 1979 au 31 mars 1979, se succédant à lui-même (après une crise gouvernementale de 7 semaines), et étant à son tour remplacé par Francesco Cossiga (1er gouvernement) au terme d'une nouvelle crise ayant duré 4 mois,
  • du 22 juillet 1989 au 29 mars 1991, succédant à Ciriaco De Mita (après une crise gouvernementale de 7 semaines),
  • du 12 avril 1991 au 24 avril 1992, se succédant à lui-même, après une crise gouvernementale « courte », et étant à son tour remplacé par Giuliano Amato.

Giulio Andreotti, surnommé « l'Inoxydable », a par ailleurs exercé diverses autres grandes responsabilités ministérielles à vingt-et-une reprises, parmi lesquelles on peut citer :

  • Ministre de l'Intérieur en janvier-février 1954
  • Ministre des Finances de juillet 1955 à juillet 1958
  • Ministre du Trésor de juillet 1958 à février 1959
  • Ministre de la Défense de février 1959 à février 1966
  • Ministre de l'Industrie et du Commerce de février 1966 à décembre 1968
  • Ministre de la Défense de mars à novembre 1974
  • Ministre du Budget, de la Programmation économique et de la Caisse pour le Mezzogiorno de novembre 1974 à juillet 1976
  • Ministre des Affaires étrangères d'août 1983 à juillet 1989.
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