Partiya Karkerên Kurdistan (PKK)

Publié le par Mémoires de Guerre

Le Parti des travailleurs du Kurdistan (Partiya Karkerên Kurdistan PKK), formé en 1978, est un groupe armé kurde, considéré comme terroriste par une grande partie de la communauté internationale, dont la Turquie, l'Australie, le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Union européenne et le Royaume-Uni. Le PKK est actif surtout en Turquie, en Syrie et en Iran et s'implante de plus en plus en Irak. Il est étroitement lié au Parti de l'union démocratique (PYD) et au Parti pour une vie libre au Kurdistan (PJAK), qui sont considérés comme les branches syrienne et iranienne du PKK. Le PKK est en opposition armée, sous forme de guérilla, avec la Turquie depuis 1984. À sa création, il visait l'indépendance des territoires à population majoritairement kurde se situant dans le sud-est de la Turquie, région constituant une partie du Kurdistan ; à présent les revendications d'indépendance du PKK se sont muées en demandes d'autonomie culturelle au sein d'un système fédéral plus large, d'amnistie pour ses membres qui leur garantisse leur participation à la vie politique, et la libération de son leader Abdullah Öcalan détenu sur l'île-prison d'İmralı au nord-ouest de la Turquie depuis 1999. 

Partiya Karkerên Kurdistan (PKK)

Depuis sa création en 1923, la Turquie moderne s'est bâtie sur le déni de l'existence d'une nation kurde au sein de ses frontières. Dans les années 1960, le peuple kurde de Turquie qui tente de faire valoir ses droits se heurte à des arrestations massives d'intellectuels et de politiques, des interdictions de publier et de s'exprimer en langue kurde et plus globalement de mettre en avant la culture kurde et des attaques de la part de la presse turque. C'est dans ce contexte que des manifestations éclatent en 1967 et que des associations kurdes sont créées l'année suivante. L'interdiction de partis pro-kurdes amène le Parti ouvrier turc (TIP) à se sensibiliser à la cause kurde et devenir un espace de ralliement des Kurdes. Le TIP reconnaît officiellement l'existence « du peuple kurde (...) à l'est », une première à l'époque. Le PKK est à l'origine une organisation marxiste-léniniste qui est créée après plusieurs réunions au mois de novembre de l'année 1978. Mehmet Hayri Durmuş, Cemil Bayik, Mazlum Doğan, Abdullah Öcalan, Şahin Dönmez, Mehmet Karasungur et Baki Karer formaient la tête du comité central à la création du PKK. Mehmet Hayri Durmuş, Şahin Dönmez et Baki Karer furent élus secrétaires à l'organisation. Mazlum Doğan fut élu secrétaire à la propagande, Mehmet Karasungur fut élu secrétaire à l'organisation des forces armées, Cemil Bayik fut élu vice-secrétaire général et Abdullah Öcalan fut élu secrétaire général. Les autres membres fondateurs du parti, qui pour certains furent membres du comité central, étaient : Mehmet Çahit Şener, Mehmet Resul Altınok, Çetin Güngör, Ferhat Kurtay, Abdullah Kumral, Yıldırım Merkit, Duran Kalkan, Ali Gündüz, Ali Haydar Kaytan, Hüseyin Topgüder, Ali Çetiner, Kesire Yıldırım, Mehmet Turan, Abbas Göktaş, Enver Ata, Sakine Cansiz, Ali Topgüder et Ferzende Tağaç. 

Les campagnes sont soumises aux attaques de la guérilla et aux contre-attaques des autorités turques, des groupes paramilitaires ainsi que de leurs soutiens locaux tels que les milices (korucu) composées de villageois kurdes recrutés par le gouvernement. Les villageois qui refusent de s'engager dans la milice sont menacés, voire tués. En décembre 1987, des villageois de la tribu Oramar classé par le gouvernement dans la catégorie des tribus « pro-kurdes » ont été massacrés à Yuksekova pour avoir refusé de fournir un contingent de miliciens. D'autres villages pro-kurdes ont été victimes de représailles pour avoir refusé de s'engager dans la milice pro-étatique (notamment à Gere-Cevrimli (province de Siirt) et à Bahçesaray (province de Van). Au tournant des années 1980, la Turquie engage une politique de déportation des Kurdes. Une série de lois (notamment la loi no 413 de 1989) qui autorisait le gouverneur régional à procéder à des déportations sont votées. Des milliers de villages sont évacués dans les années 1990 et des centaines de milliers de Kurdes sont forcés de quitter leur village ou ville. Avant d'entamer un recul progressif, laminé par la contre-offensive des autorités turques, le PKK contrôlait en 1991 une large portion du sud-est anatolien. Le fait que l'armée reprenne les rênes des opérations anti-PKK et vide quelque 4 000 villages de leurs habitants coupe ensuite le PKK de ses soutiens dans la population et, par la même occasion, de ses circuits de ravitaillement clandestins. C'est après la première guerre du Golfe en 1991 que le mouvement prend de l'ampleur. Face à la rigidité de la politique turque et son refus de reconnaître aux Kurdes la légitimité d'une identité culturelle à part entière et d'une autonomie administrative, nombre de jeunes s'engagent dans le combat et la guérilla s'intensifie dès le début des années 1990.

C'est alors que le président turc Turgut Özal, lui-même d'origine kurde, entame une rupture avec la politique kémaliste de son pays et propose des solutions politiques, notamment une meilleure représentation des Kurdes en politique, l'amnistie des membres du PKK et une certaine autonomie du Kurdistan. Öcalan, en relation directe avec Özal, proposera un premier cessez-le-feu en mars 1993, cessez-le-feu entériné par le conseil présidentiel en 1993. Le texte, qui suit les recommandations d'Öcalan, définit l'arrêt de la lutte armée comme la seule voie possible à la démocratisation de la Turquie et la résolution du problème kurde. Un mois plus tard, le président turc meurt en emportant avec lui ses projets et le pouvoir qui prend la relève ne respecte pas la trêve. De plus, l'exécution de trente soldats turcs désarmés sur l'ordre du commandant Sakik, en désaccord avec Öcalan, conduit Ankara à refuser le dialogue avec la guérilla. D'abord lancé dans une guérilla d'orientation marxiste-léniniste, le PKK abandonne le second qualificatif en 1994. Deux cessez-le-feu ont été décrété en 1995 et 1998, toujours dans le but, selon ses dirigeants, d'aboutir à la résolution du problème kurde par la voix du dialogue. En 1999, Abdullah Öcalan, fondateur du PKK est capturé au Kenya par les services secrets turcs, américains et israéliens, puis condamné à mort pour avoir fondé et dirigé une organisation considérée terroriste. Des manifestations, parfois violentes, ont lieu dans de nombreux pays. Ainsi, quatre membres du groupe sont tués lors d'une manifestation devant le consulat général d'Israël à Berlin pour protester contre le rôle du Mossad dans l'arrestation d'Öcalan. Des membres se réunissent également devant l'ambassade de Grèce à Londres, pour protester contre la fin du soutien grec au PKK. Un cessez-le-feu de 1999 intervient après l'arrestation d'Öcalan. Ce dernier avait alors dans l'idée que certains groupes de combattants cachés en Irak traversent la frontière pour se rendre aux autorités turques. Mais après l'arrestation le 1er septembre 1999 des sept membres du premier groupe et la condamnation de son chef Ali Sapan à dix-huit ans de prison, le conseil présidentiel met fin à ce projet.

En 2001, à la suite de son renoncement à la lutte armée, le PKK forme le Congrès pour la liberté et la démocratie au Kurdistan (Kongreya Azad” zˇ Demokrasiya Kurdistan ou KADEK). En 2002, le PKK prend le nom de Congrès pour la liberté et la démocratie au Kurdistan (Kadek) et abandonne les références marxistes et léninistes. En 2003, renonçant au léninisme, il change de nouveau son nom en Congrès du peuple du Kurdistan (Kongra-GEL ou KGK). Pourtant, le 1er juin 2004, Zübeyr Aydar proclame la fin du cessez-le-feu. Un autre cessez-le-feu est décrété en 2006. Depuis le Newroz 2007, le PKK a pris des mesures contre l'Armée turque qui ne respectait pas les trêves décrétées. Elles ont été un succès notamment avec l'attaque à plusieurs reprises de casernes militaires. À la suite des attaques de l'armée turque dans le Kurdistan irakien en février 2008, des Kurdes d'Istanbul descendent dans la rue. Face à la grande pression des forces de police turques, des chefs du PKK lancent des appels à la population kurde de Turquie afin qu'ils rendent « la vie dans les grandes métropoles insupportable », notamment en « incendiant des voitures ». Les forces turques réagissent en menant une répression féroce dans le Sud-Est du pays qui a été mis en zone interdite aux étrangers et un état d'urgence, levé depuis, fut imposé à la population durant plusieurs années. Il adopte à partir de 2005 le Confédéralisme démocratique d'Abdullah Öcalan, un programme qui rejette le nationalisme et la prise de pouvoir en tant qu'objectif du parti. Ses grandes lignes sont définies par un projet de démocratie assembléiste proche du municipalisme libertaire, une économie de type collectiviste, un système de fédéralisme intégral entre communes et une coopération paritaire et multiethnique dans des systèmes organisationnels et décisionnels autogérés. Cette réorientation sera principalement l'œuvre des relations entretenues par Abdullah Öcalan lors de sa détention avec l'essayiste libertaire Murray Bookchin. En 2006, à la suite de la mort du théoricien, l’assemblée du PKK se réfère à Bookchin pour la construction d'un nouveau modèle de socialisme démocratique : le municipalisme libertaire. Celui-ci sera repris par le PYD, proche du PKK en Syrie, mais ne connaîtra une mise en place singulière qu'en 2012 avec l'autonomie kurde acquise au Rojava.

À partir de 2009, le Parti des travailleurs du Kurdistan opère aussi sur les territoires turcs, comme l’attaque sur un convoi militaire le 7 décembre 2009 près de la ville de Tokat qui a fait 7 morts et 3 blessés, ou encore l'attaque armée contre le convoi électoral du premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan, qui a fait un mort et un blessé aux environs de Kastamonu. Un cessez-le-feu est décrété en 2013 avec la Turquie suite à des négociations mêlant les services secrets turcs, des responsables du PKK et du Parti démocratique des peuples et dans une moindre mesure Abdullah Öcalan qui est consulté depuis sa cellule de prison. Le conflit reprendra suite à l'assassinat de deux policiers turcs en représailles de l'attentat de Suruç. Les rebelles du PKK assurent que les policiers collaboraient avec l'état islamiste. Dès le début de l'offensive en juillet 2014 de l'organisation terroriste État Islamique en Irak et en Syrie, les forces armées du PKK et du PYD s'érigent en principale force capable de freiner l'avancée djihadiste, alors même que les troupes irakiennes y opposent une résistance quasi nulle. En août 2014, le PKK et les YPG (milices révolutionnaires du PYD) se font connaître du monde entier à la suite de leur opération d'évacuation de 200 000 Yézidis encerclés dans les Monts Sinjar en Irak et abandonnés par les peshmergas. Les unités féminines armées des YPG (ou YPJ), deviennent alors un symbole médiatique de la lutte kurde du fait d'abord de leur impressionnante discipline, mais aussi par la rumeur sur la crainte qu'elles inspireraient aux djihadistes ne pouvant accéder au paradis en cas d’assassinat par une femme. En juillet 2014, le groupe EI attaque la ville kurde de Kobané et subit une importante défaite face aux YPG. Des centaines des membres de l'EI, dont plusieurs émirs, y trouvent la mort

Le 16 septembre, les djihadistes reviennent avec une artillerie lourde et assiègent de nouveau la cité. Bien qu'en important sous-équipement, les YPG tiennent la ville pendant deux mois et en contrôlent toujours la moitié au 23 octobre. En raison de leur classement comme organisations terroristes, la Turquie et les États-Unis refusent pendant ces deux mois de soutenir militairement le PKK ou le PYD et d'envoyer des troupes au sol. La Turquie refuse également l'ouverture de ses frontières intérieures pour l'appui des Kurdes de Turquie. Celle-ci est d'ailleurs fréquemment accusée de soutenir l'État Islamique contre les Kurdes. Plusieurs manifestations sont alors organisées dans le monde en soutient à Kobané. En Turquie plusieurs dizaines de Kurdes y sont tués dans de violents affrontements avec la police et des groupes islamistes. Les États-Unis prennent finalement contact avec le PYD le 16 septembre, et le 20 septembre décident de livrer des armes et du matériel aux YPG. La Turquie quant à elle accepte pour la première fois d'ouvrir une partie de ses frontières aux peshmergas irakiens, bien que la réalité de ce compromis soit pour le moment incertain. La bataille de Kobané s'érige rapidement en symbole. Troisième ville kurde de Syrie, cette dernière est primordiale pour la sauvegarde de l'autonomie kurde et l'édification du confédéralisme, pour l'EI, Kobané n'a pas d'importance géostratégique mais une importance symbolique depuis sa première défaite. Cet affrontement entre forces ultra-réactionnaires et combattants révolutionnaires acquis aux idéaux socialistes ont amené plusieurs comparaisons entre cette bataille et celles de Stalingrad ou Barcelone, principalement dans les médias d'extrême gauche. Certains groupes anarchistes et socialistes de Turquie ont ainsi rejoint les rangs des miliciens kurdes du PKK et du PYD en Syrie Alors qu'en 2016, l'Irak, les Peshmergas et les forces occidentales mettent en place une stratégie afin de reprendre la ville de Mossoul au main de Daesh, le PKK quant à lui, aurait envoyé des troupes de gerillos pour la libération de cette ville. Le gouvernement Irakien serait d'accord pour une éventuelle participation conjointe du PKK avec les forces Peshmergas et Irakienne pour la libération de Mossoul. 

Le PKK mène des actions et attentats contre les autorités et les intérêts touristiques turcs (attentats à la bombe en ville, enlèvements dans les stations balnéaires et centres commerciaux). Le gouvernement et les médias turcs attribuent régulièrement au PKK des attentats non revendiqués ayant fait des victimes civiles en Turquie. Le PKK quant à lui dément toujours ces attentats et accuse à demi-mot Ergenekon, mouvement présenté par certains comme la version turque du réseau stay-behind et dont plusieurs membres — généraux de l'armée turque et politiciens — ont été arrêtés durant l'été 2008. Le PKK agit également comme groupe de guérilla aux côtés d'autres groupes armés kurdes, parfois clandestins et terroristes comme le Parti de la liberté du Kurdistan, mais aussi avec des forces régulières et officielles comme les peshmergas du gouvernement régional du Kurdistan irakien - au cours de la Guerre civile syrienne et de la seconde guerre civile irakienne.
 

Abdullah Öcalan

Abdullah Öcalan

Bilans humains

Selon les sources turques, de 1978 à 1980, le PKK aurait assassiné 354 personnes et en aurait blessé 366 ; de 1987 à 2002, le PKK aurait assassiné 5 335 civils (dont 96 instituteurs) et en aurait blessé 10 714 ; 5 500 membres des forces de sécurité auraient été tués et 11 500 blessés ; 23 500 membres du PKK auraient été tués, 600 blessés et 3 500 arrêtés ; le PKK aurait entièrement détruit 114 écoles, en aurait endommagé 127, il aurait démoli six hôpitaux et cliniques, endommagé huit autres, et aurait attaqué, par des engins explosifs, diverses infrastructures de transport et de communication68. Le choix d'attaquer des villages, à partir de 1987, ce qui aurait entraîné l'assassinat, par le PKK, d'au moins seize enfants et huit femmes, a provoqué, dès 1988, la rupture d'Hüseyin Yildirim, jusque-là porte-parole du PKK pour l'Europe. En 29 ans, le bilan humain du conflit entre l’État turc et le PKK est lourd :

  • décès de plus de 45 000 personnes
  • meurtres non élucidés : entre 2 000 et 17 000
  • déplacement de 386 000 habitants dans 14 départements
  • lourd traumatisme dans la société turque.

Relations avec les autres partis kurdes et les pays limitrophes de la Turquie

Que ce soit en Turquie ou en Irak, les relations entre les différents partis kurdes ont toujours été problématiques, oscillant au gré des circonstances entre alliances et conflits ouverts. En raison de son positionnement marxiste-léniniste, le PKK s'est heurté à de nombreuses reprises avec le PDK ou l'UPK, accusés de « féodalisme » et de collaboration avec le gouvernement turc, alors que le PKK collaborait tantôt avec la Syrie, l'Irak ou l'Iran afin de se ménager des bases arrière à l'abri des frontières. 

Soutiens et financement

Dès 1979, les responsables principaux du PKK quittent la Turquie à la veille du coup d'État militaire de 1980, et trouvent refuge à Damas. Le fondateur du PKK, Abdullah Öcalan, y restera jusqu'en 1998, date à laquelle il décide de gagner l'Europe et la Russie pour défendre le problème Kurde. Il resta plusieurs semaines à Rome et à Moscou. Ensuite il sera arrêté quelques mois plus tard au Kenya, avec la collaboration des services secrets israéliens de la CIA et des services secrets turcs (MIT). Le PKK a reçu l’aide matérielle de l’URSS, de la Grèce et de la République grecque de Chypre. Pour ses actions hors du Kurdistan turc, le PKK a été en contact avec l'Armée secrète arménienne de libération de l'Arménie (Asala), un groupe armé surtout actif entre 1975 et 1983 pour obtenir la reconnaissance du génocide arménien. En mai 1990, lors de son deuxième congrès, le PKK décide de resserrer les liens avec Dev-Sol. Les relations avec les Kurdes irakiens sont ambiguës : si des bases du PKK ont pu être installées dans le Nord de l'Irak au bénéfice d'une autonomie de fait depuis la Première guerre du Golfe (1991), les partis kurdes irakiens ont toujours cherché à garder leurs distances avec le PKK, sans doute pour éviter de devenir les cibles du feu turc. 

Cette réserve relative de l'UPK et du PDK n'a cependant pas empêché l'armée turque d'envisager sérieusement d'envahir le Nord de l'Irak sous couvert de l'opération américaine en 2003 et en 2007, initiative qui n'a été stoppée qu'au dernier moment par Washington. Depuis, certaines informations indiquent qu'Ankara soutient en sous-main les activités de déstabilisation autour de la minorité turcomane vivant au Kurdistan irakien. De 1979 à 1998, l'état-major du PKK est basé en Syrie. Alors que les autres organisations kurdes sont réprimées, le PKK collabore avec le régime de Hafez el-Assad qui autorise le recrutement de Kurdes syriens, à condition que ces derniers ne soient pas actifs en Syrie même. Entre 7 000 et 10 000 Kurdes syriens auraient été tués dans les combats contre l'armée turque. En septembre 1998, Süleyman Demirel, alors président de la République de Turquie, met la Syrie en demeure d’expulser le PKK de ses camps d’entraînement, faute de quoi l’armée turque ira chercher elle-même les terroristes sur le territoire syrien. Face aux pressions, le PKK est contraint de quitter la Syrie en octobre, Öcalan est expulsé et des centaines de combattants sont arrêtés. Ses sources de financement sont les collectes, médias, activités culturelles.

Trafic de drogues

L'administration américaine accuse le PKK de se livrer au trafic de stupéfiants et au racket. Pendant une vingtaine d'années, Abdullah Baybasin, qui contrôla jusqu'à 90 % du trafic d'héroïne au Royaume-Uni et fut condamné pour ce motif à 22 ans de prison, et son aîné Huseyin Babasin, condamné à perpétuité par la justice néerlandaise, auraient financé, selon le journaliste britannique Jason Bennetto, le PKK, pourtant leur rival, jusqu'en 2002. Un rapport de l'ONU publié en 2010 accuse le PKK de « taxer » le trafic d'héroïne transitant via la Turquie et d'en retirer entre 50 et 100 millions de dollars par an, arguant que « l'implication du PKK dans le trafic de drogue est aussi démontrée par l'arrestation de plusieurs de ses membres, en 2008, sous l'accusation de trafic d'héroïne ». Une plainte déposée à New York par l'Union européenne contre plusieurs grandes compagnies cigarettières américaines accuse le PKK d'avoir participé au trafic organisé par ces sociétés, jusqu'en 2002.

La part que représente le narcotrafic dans les sources de financement des activités du PKK ne fait pas l'objet d'un consensus. En 1995, Béatrice Fournier-Mickiewicz, spécialiste des mouvements de guérilla, considère que dans le cas du PKK, « [les] profits tirés du commerce de drogue pour financer leurs activités militaires [sont] sans doute peu importants ». Cependant, de 1996 à 1998, s'appuyant sur des opérations de police et condamnations prononcées par des tribunaux, notamment allemands et britanniques, le juriste criminologue François Haut, directeur de recherches à l'université de Paris-II, décrit le PKK comme « un mouvement terroriste des plus violents, fondé sur des bases purement criminelles du narcotrafic et de la distribution de drogue en Europe ». Cependant, la taxation ou les implications dans le trafic de drogue dans le cadre du conflit kurde ne sont pas l'apanage du seul PKK. En effet, de nombreux officiels, militaires, politiques ou policiers turques ont profité de leur situation pour participer au trafic.

Extorsion de fonds

En février 2012, quatre personnes sont mises en examen en France à la suite de plaintes pour extorsion de fonds censés servir au financement du PKK. En 2013, 10 autres personnes sont jugées pour les mêmes faits. Ce jugement intervient à la suite de plaintes déposées par deux hommes d'origine kurde qui avaient été menacés physiquement, dont l'un dans les locaux de la Maison du Peuple Kurde de Marseille, car ils refusaient de payer la « Kampanya » ou « Impôt révolutionnaire ». À la suite de cette affaire, la Cour d'appel de Paris a prononcé la dissolution de la Maison du Peuple Kurde de Marseille. 

Classement comme organisation terroriste

La Turquie le considère comme un mouvement terroriste. L'organisation est placée sur la liste officielle des organisations terroristes du Canada, des États-Unis (depuis août 1997), de l'Union européenne, de l'Australie, de la Turquie, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni. Le 3 avril 2008, le Tribunal de première instance des Communautés européennes a annulé une décision du Conseil de l'Union européenne de 2002 d'inscrire le PKK sur sa liste d'organisations terroristes, estimant que le Conseil n’avait pas suffisamment motivé sa décision, mais le 15 juillet 2008, le Conseil des ministres de l'Union Européenne réintègre le PKK dans la liste des entités qu'il considère comme terroristes et adopte des mesures restrictives. Il est également considéré comme terroriste par le gouvernement kirghize (depuis le 11 juin 2008). Le 30 mai 2008, le président américain George W. Bush, en vertu d'une loi contre le trafic de drogue international, impose au PKK des sanctions financières. 

En Europe

La Suède est l'un des premiers pays européens à interdire le PKK sur son sol en 1984. En 1986, après l'assassinat d'Olof Palme et l'acquittement d'un Suédois condamné en premier lieu, de nombreuses pistes sont exploitées en vain, notamment celles du PKK, deux de ses membres ayant été condamnés pour le meurtre de dissidents du parti. Öcalan accuse son ex-femme, ancienne cadre du PKK, d'avoir commandité l'assassinat du Premier ministre suédois dans le but de discréditer son parti. Dès les années 1980, la police criminelle de la République fédérale allemande considère le PKK comme « une organisation dangereuse », impliquée, pour la seule année 1987, sur le sol de la RFA, dans « au moins un assassinat, deux tentatives d'assassinat, trois agressions et quatre autres infractions graves, comme le vol, le chantage, la coercition » ; l'équivalent de plusieurs centaines de milliers d'euros avaient alors été saisis. Plusieurs membres du PKK sont condamnés en Allemagne en avril, juillet et août 2009 : Hüseyin Acar et Muzaffer Ayata à trois ans et demi de prison pour participation à une entreprise terroriste, et un autre à quatre ans de prison pour le même motif, aggravé par plusieurs incendies volontaires (dont un a provoqué la mort d'une personne).

En 2009 et 2010, plusieurs membres et proches du PKK sont interpellés ou condamnés en France pour incendie volontaire, association de malfaiteurs et financement du terrorisme. En février 2010, une opération conjointe des polices française, italienne, allemande, belge et néerlandaise démantèle un réseau de recrutement du PKK en Europe occidentale. Le 27 janvier 2011, la Cour européenne des droits de l'homme rejette, par une majorité de six voix contre une, la requête d'Aysel Aydin, condamnée en Allemagne à 1 200 euros d'amende pour avoir lancé une pétition réclamant le retrait du PKK de la liste des organisations terroristes établie par l'Allemagne et l'Union européenne. Le 4 juin 2011, à Arnouville et à Évry, cinq personnes dont trois « cadres importants » du PKK, selon le ministère de l'Intérieur, sont interpellés à la suite de « plaintes pour extorsion de fonds qui devaient servir au financement d'activité terroristes menées par le PKK ». Il s'ensuit des affrontements entre la police et deux à trois cents membres de la communauté kurde française. Dans la nuit du 9 au 10 janvier 2013, Sakine Cansiz, Fidan Doğan et Leyla Söylemez sont assassinées dans les locaux de la Fédération des associations Kurdes de France à Paris. Sakine Cansiz est une des fondatrices du PKK, le parti marxiste et indépendantiste kurde en Turquie. Sur vingt fondateurs du PKK, cinq seulement sont encore en vie.

En Turquie

Dès les années quatre-vingt, le gouvernement turc met en place une politique de lutte anti-insurrectionnelle inspirée des pratiques françaises et américaines lors des guerres d'Algérie et du Vietnam : installations de fortins dans tout le territoire kurde, opérations coups de poing et ratissage de zone par les unités spéciales (Tims), enrôlement de supplétifs locaux (gardes de villages), mais aussi déplacements forcés de populations vers les centres urbains (plus de trois millions de personnes en dix ans), destruction totale de plusieurs villes kurdes, tentatives de contrôle de la natalité des femmes kurdes, meurtres extra-judiciaires, arrestations abusives et enlèvements de civils suspectés de sympathie envers la cause kurde, recours systématique à la torture, guerre psychologique et intimidation de la presse turque, déforestation des zones susceptibles de servir de sanctuaire pour les guérilleros, etc. Le MIT a aussi créé de toutes pièces des mouvements concurrents d'inspiration nationaliste kurde ou islamiste (Hizbolla). Ces exactions n'ont été que partiellement documentées par les organisations de Droits de l'Homme en raison du black-out imposé par les autorités et de l'interdiction d'accès aux zones de guerre. Si cette stratégie a effectivement mené le PKK à réaliser l'impossibilité d'une victoire militaire, les conséquences sont aussi une exacerbation du clivage dans la société turque et une radicalisation d'une frange importante de la population kurde.

Comité anti-PKK

En novembre 2008, les gouvernements irakien, turc et américain ont créé conjointement le comité « anti-PKK » afin de contrecarrer leurs activités supposées. La rencontre s'est déroulée à Bagdad en présence du ministre turc de l'Intérieur Beşir Atalay, du Premier ministre irakien Nouri al-Maliki et de l'ambassadeur des États-Unis à Bagdad, Ryan Crocker. Le comité sera dirigé par le ministre d'État pour la sécurité nationale, Shirwan al-Waïli, en collaboration avec le ministre de l'Intérieur de la région autonome du Kurdistan, Karim Sinjari. 

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