Mossadegh Mohammad

Publié le par Roger Cousin

Mohammad Mossadegh, né le 16 juin 1882 à Téhéran et mort le 5 mars 1967 à Ahmadabad, est un homme d'État iranien, Premier ministre par deux fois, de 1951 à 1952, puis de 1952 à 1953. Il est le premier chef de gouvernement élu démocratiquement en Iran et occupe le poste jusqu'en 1953, date du renversement de son gouvernement par un coup d'État.

Mossadegh Mohammad

Son gouvernement introduit un ensemble de réformes sociales et politiques progressistes telles que la mise en place d'une sécurité sociale, le contrôle des loyers ou l'initiation de réformes agraires significatives. La décision la plus notable prise sous son administration reste toutefois sa nationalisation de l'industrie pétrolière iranienne, alors sous contrôle britannique depuis 1913, face au refus de l'Anglo-Persian Oil Company (APOC) de renégocier les termes du contrat d'exploitation des gisements pétroliers iraniens. Il tente d'instaurer une démocratie laïque et de conserver une relative indépendance du pays face aux puissances étrangères. Chassé du pouvoir par le coup d'État du 19 août 1953 car portant atteinte aux intérêts occidentaux en Iran, il est remplacé par le général Fazlollah Zahedi et est placé en résidence forcée pour le restant de ses jours. Par son opposition farouche à l'intervention des puissances occidentales dans les affaires intérieures iraniennes, Mossadegh est généralement considéré comme l'une des figures du nationalisme au XXe siècle.

Né à Téhéran en 1882, fils de Mirza Hedayat Ashtiani, Bakhtiari, haut fonctionnaire au ministère des finances de Nasserdin Chah, et de Malek Taj Firuz Najm os-Saltaneh, princesse Qajar nièce d’Abbas Mirza, il perd son père à l’âge de dix ans et sera élevé par sa mère qui lui inculquera dès son plus jeune âge la notion de conscience sociale. Il épouse en 1903 Zia os-Saltaneh qui lui donnera cinq enfants : deux fils – Ahmad et Gholamhossein – et trois filles – Zia Ashraf, Mansoureh et Khadijeh. Il est nommé dès l’âge de quinze ans inspecteur des finances de la province du Khorassan. Le Chah, satisfait de son honnêteté, lui accordera le titre de "Mossadegh os-Saltaneh" (Celui dont l’honnêteté a été constatée). À la suite de la révolution constitutionnelle, il est élu représentant d’Ispahan à la première assemblée du Parlement nouvellement créé mais refuse de siéger car il se considère comme trop jeune.

Il démissionne en 1909 de son poste d’inspecteur des finances afin de poursuivre ses études et se rend en France pour étudier à l’École libre des sciences politiques. Il se rend ensuite en Suisse, où il poursuit des études de droit à l’université de Neuchâtel. Devenu docteur en droit, il revient en Iran en 1914 pour y occuper plusieurs fonctions administratives. Il accèdera en 1920 à la fonction de gouverneur de la province du Fars. Opposé au couronnement de Reza Chah, son argument était le suivant : « Reza Shah gouverne très bien le pays et il faut qu'il continue à le faire. Pour cela, il doit rester Premier ministre. S'il devient Roi, soit il respecte le principe de monarchie démocratique, constitutionnelle, et il ne doit pas gouverner, et cela serait dommage. En revanche, s'il se décide à gouverner en tant que Roi, il deviendra par définition un dictateur, et nous ne nous sommes pas battus en faveur de la démocratie pour avoir encore une fois un Roi dictateur. »

Il s'écarte de la vie politique jusqu’à l’éviction de Reza Shah en 1941 au profit de son fils Mohammad Reza Chah. Il revient alors à la vie politique et sera successivement ministre des finances, gouverneur de la province d’Azerbaïdjan, ministre des affaires étrangères et premier ministre. C’est alors qu’il joue un rôle crucial dans la nationalisation de l’industrie pétrolière en Iran. Renversé par un coup d'État fomenté par la CIA en 1953 à la suite de l’opération Ajax et condamné à trois ans d’emprisonnement, il sera ensuite assigné à résidence dans son village ancestral d’Ahmadabad où il décédera en 1967. Les autorités, refusant d’exaucer ses dernières volontés, n’autoriseront pas son inhumation près de la tombe des martyrs du 30 Tir et il sera enterré sous la salle à manger de sa propriété familiale. Mohammad Mossadegh est nommé vice-ministre des finances en 1917. Élu en 1925 à la cinquième assemblée du Parlement iranien, il s'oppose à la nomination du Premier ministre, Reza Khan en tant que nouveau monarque d'Iran. L'assemblée légitime cependant la création de la nouvelle dynastie Pahlavi (115 votes pour, 5 contre, 30 abstentions). Reza Khan, devenu Reza Chah Pahlavi, le contraint alors à s'éloigner de la vie politique, notamment en empêchant sa réélection à la septième assemblée et en le faisant arrêter par deux fois et exiler dans son village d'Ahmadabad.

En 1942, à la suite de l'avènement du nouveau roi, Mohammad Reza Chah Pahlavi, Mossadegh revient à la politique en siégeant de nouveau au Parlement iranien dans les rangs des nationalistes. Le nationalisme est de retour en Iran à cette époque, alors que l'influence des puissances étrangères, notamment celle du Royaume-Uni, est à son apogée. Le pétrole, dont l'Iran était le plus ancien et principal producteur au Moyen-Orient, échappe à l'emprise du gouvernement qui ne perçoit que des redevances octroyées par la toute-puissante Anglo-Iranian Oil Company (AIOC), devenue alors propriété de l'Amirauté britannique. De plus, durant la Seconde Guerre mondiale, les Alliés occupent l'Iran pour ravitailler le front russe en humiliant la population locale. Ils utilisent pour ce faire le chemin de fer trans-iranien. Fait qui alimente les polémiques, Mossadegh allant jusqu'à accuser Reza Chah de l'avoir fait construire afin de permettre aux Anglais d'envahir plus facilement le pays ! La réaction populaire à ces interventions étrangères porte Mohammad Mossadegh, chef du parti « Jebhe-ye Melli » (Front national) au pouvoir.

Mossadegh Mohammad

Après avoir nationalisé l'Anglo-Iranian Oil Company, Mossadegh est élu Premier ministre le 29 avril 1951 avec l'appui des factions religieuses (conduites par l'ayatollah Abou al-Qassem Kachani). Il entreprend alors une politique anti-britannique : Fermeture des consulats, expulsion du personnel britannique de la compagnie pétrolière. La Grande-Bretagne porte plainte devant la Cour internationale de justice, mais est déboutée le 22 juillet 1952 (Anglo-lranian Oil Co. Mossadegh rencontre de nombreuses personnalités politiques américaines à l'occasion d'un voyage aux États-Unis du 6 octobre au 18 novembre 1951. L'hebdomadaire américain Time Magazine lui décerne le titre d' "homme de l'année 1951". En juillet 1952, un conflit constitutionnel avec le Chah provoque la démission de Mossadegh : le Chah refuse en effet d'accorder le contrôle de l'armée au gouvernement. Mossadegh démissionne le 16 juillet et le Chah le remplace par Ghavam os-Saltaneh. La foule descend alors dans la rue pour exiger le retour de Mossadegh. Le Chah cède après trois jours d'émeutes et le renomme Premier ministre le 20 juillet. Il prépare alors un référendum en vue de la réforme électorale.

Les membres du parti de Mossadegh ayant été élus au Parlement étaient payés par le gouvernement Britannique pour voter contre les intérêts du parti. Apprenant cela, Mossadegh cherche à dissoudre le Parlement et organise le 3 août 1953 un référendum dans ce sens en faisant disposer les urnes du "oui" et du "non" à plusieurs mètres l'une de l'autre, procédé qui ajouta de l'eau au moulin des ennemis du Front national et devait permettre au Chah de changer le gouvernement. La dissolution du Parlement sera votée par le peuple en grande majorité. Le 15 août 1953, le Chah, convaincu du soutien des Américains, signe un décret impérial de renvoi de Mossadegh et le remplace par le Général Zahedi. Le décret est porté à Mossadegh par le commandant de la garde impériale, que Mossadegh fait immédiatement arrêter, décret d'ailleurs illégal faute d'accord préalable du Parlement. Le Chah, croyant avoir échoué, s'enfuit alors à l'étranger.

Cette opération (nom officiel TP-AJAX), est une opération secrète menée par le Royaume-Uni et les États-Unis, exécutée par la CIA. Le but de cette opération est de replacer le Chah sur le trône par un coup d'État, ceci afin de préserver les intérêts occidentaux dans l'exploitation des gisements pétrolifères iraniens, une « action [justifiée] par les contingences de la guerre froide et la peur que les Soviétiques envahissent et prennent le pouvoir à Téhéran si Londres envoyait ses navires de guerre18 » comme ils tentaient d'influencer Téhéran durant la crise irano-soviétique de 1946. Dans le cadre de cette opération, la publication par la presse de copies du décret impérial déstabilise le régime de Mossadegh. Des émeutes sont provoquées et renforcées par la participation d'agents provocateurs financés par la CIA et ayant infiltré les rangs du parti Tudeh.

Durant l’administration du président Bill Clinton en 2000, à la suite d'un rapport publié, la secrétaire d’État Madeleine Albright a reconnu officiellement le rôle des États-Unis dans l'organisation et le soutien financier du coup d’État de 1953. En 2013 la CIA rend publics des documents classifiés attestant à son tour de l'implication des Américains dans ce coup d'État. Le 18 août, une nouvelle tentative est lancée et le général Zahedi devient Premier ministre en faisant arrêter Mossadegh et ses partisans. L’opération Ajax a réussi et le Chah – réfugié à Rome – peut rentrer au pays quelques jours plus tard. Mossadegh est condamné à trois années de prison, à l'issue desquelles il sera assigné à résidence dans son village d'Ahmadabad sous la surveillance de la SAVAK (police secrète du Chah). Il y restera jusqu'à sa mort, en mars 1967. La destitution de Mossadegh permet l'arrivée des Américains dans le grand jeu pétrolier du pays. Ainsi, en 1954, un consortium international composé principalement de compagnies britanniques et américaines et secondairement françaises et hollandaises, est créé pour gérer la production pétrolière de l'Iran.

Mossadegh est un fervent monarchiste. Il rappelle à chaque fois que l'occasion se présente, sa grande fidélité à la personne du Shah et à l'institution de la monarchie. En tant que partisan de la propriété privée, il est opposé au parti Toudeh et au communisme. C'est un esprit profondément social : sur son ordre, son traitement mensuel de ministre ou député, est distribué aux étudiants pauvres de la faculté de droit. Contrairement à la majorité des politiques iraniens, alors qu'il est devenu l'un des plus grands contribuables d'Iran, Mossadegh s'acquitte de ses impôts très scrupuleusement. Lors de la Révolution blanche du Shah, il distribue volontairement toutes ses terres et demande à ses enfants d'en faire autant. Professant des idées laïques il ne laissera pas Mehdi Bazargan prendre le poste de ministre de la culture car il le considère comme étant trop religieux et voulant « mettre le voile sur la tête de toutes les filles à l'école » La CIA « comprenait les raisons du positionnement de Mossadegh ». Mossadegh ne condamna jamais grandement les États-Unis pour le coup d'État mais presque uniquement les Britanniques.

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