Druon Maurice

Publié le par Roger Cousin

Maurice Druon, né le 23 avril 1918 dans le treizième arrondissement de Paris et mort le 14 avril 2009, est un écrivain et homme politique français.

Druon Maurice

Maurice Druon s'engage dans la Résistance et rejoint Londres en janvier 1943. Attaché au programme « Honneur et Patrie » de la BBC, il écrit alors avec son oncle Joseph Kessel les paroles du Chant des Partisans, que met en musique Anna Marly. Après la guerre, il devient un homme de lettres à succès avec Les Grandes Familles (Prix Goncourt 1948) et surtout la saga des Rois maudits, roman historique en sept tomes publiés entre 1955 et 1977 et que l'adaptation télévisée fera connaître à un très large public. Il est élu à l'Académie française en 1966 à 48 ans, et en devient le secrétaire perpétuel de 1985 à 1999. Il a écrit d'autres romans - comme Tistou les pouces verts, 1957, roman pour la jeunesse -, mais aussi des pièces de théâtre et des essais. Gaulliste et engagé dans l'action politique, Maurice Druon a été ministre des Affaires culturelles en 1973-74.

Maurice Druon est baigné par son ascendance dans la littérature : il est le neveu de l'écrivain Joseph Kessel, l'arrière-petit-fils d'Antoine Cros, troisième et dernier roi d’Araucanie, l'arrière-petit neveu du poète Charles Cros, et l'arrière-arrière-petit-fils d'Odorico Mendes, homme de lettres brésilien, protecteur du 17e fauteuil de l'Académie brésilienne des lettres. Son père est Lazare Kessel (1899-1920, suicidé), qui est né à Orenbourg en Russie et a immigré à Nice en 1908 en compagnie de ses parents juifs d'origine lituanienne et de son frère aîné, le futur écrivain Joseph Kessel, oncle de Maurice Druon. Lauréat du premier prix du Conservatoire, Lazare Kessel est pensionnaire de la Comédie-Française. Mais il se suicide par balle le 27 août 1920 à l'âge de 21 ans avant d'avoir reconnu son enfant, le futur Maurice Druon, lequel prendra à sept ans le nom de son père adoptif, René Druon (1874-1961), notaire dans le Nord, que sa mère, Léonilla Samuel-Cros (1893-1991), avait épousé en 1926.

Il passe son enfance à La Croix-Saint-Leufroy, en Normandie, où il fait la connaissance de Pierre Thureau-Dangin, fils du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Paul Thureau-Dangin. Il poursuit ses études secondaires au lycée Michelet de Vanves. Lauréat du Concours général en 1936, il commence à publier, à l’âge de dix-huit ans, dans les revues et journaux littéraires tout en étant élève à la Faculté des lettres de Paris puis à l'École libre des sciences politiques (1937-1939). Avec son oncle Joseph Kessel, il côtoie les grands noms de l'aventure Aéropostale (Mermoz, Saint-Exupéry, Guillaumet), rencontre des artistes de l'Europe de l'Est et fréquente les cabarets russes. En septembre 1939, appelé par les obligations militaires, il publie dans Paris-Soir de Pierre Lazareff, un article intitulé « J'ai vingt ans et je pars ». Élève officier de cavalerie à l’École de Saumur en 1940, il participe lors de la Campagne de France aux combats des cadets de Saumur sur la Loire5. Démobilisé, il reste en zone libre, et fait représenter sa première pièce, Mégarée, au Grand Théâtre de Monte-Carlo le 3 février 1942. Il s'engage dans la Résistance. Avec son oncle Joseph Kessel, il quitte la France à Noël 1942, pour rejoindre les rangs des Forces françaises libres du général de Gaulle, traversant les Pyrénées puis l’Espagne et le Portugal avant qu'un hydravion les emmène en janvier 1943 à Londres.

Il devient l'aide de camp du général François d'Astier de La Vigerie, puis attaché au programme « Honneur et Patrie » de la BBC auprès d'André Gillois, avant de partir en mission à Alger pour le Commissariat à l’intérieur et à l’information et devient correspondant de guerre auprès des armées françaises en 1944 jusqu’à la fin des hostilités. Il écrit alors avec Kessel en mai 1943 le Chant des partisans qui, sur une musique composée par Anna Marly, devient l'hymne aux mouvements de la Résistance durant la Seconde Guerre mondiale. À la Libération, il se consacre à la littérature et publie ses souvenirs de guerre dans la Dernière Brigade en 1946. Avec son roman Les Grandes Familles en 1948, premier de la trilogie « La Fin des hommes » (avec « La Chute des corps » et « Rendez-vous aux enfers »), il reçoit le Prix Goncourt qui lui donne une place dans le Paris littéraire. En 1953, sa pièce en un acte, Un Voyageur, entre au répertoire de la Comédie-Française avec une mise en scène de Jean Piat, et il publie avec Joseph Kessel, la pièce Le Coup de grâce. Puis il accède définitivement à la célébrité avec le succès de sa saga historique littéraire, Les Rois maudits publiée à partir de 1955, et adaptée en 1973 à la télévision. 

Maurice Druon n'a jamais caché que sa série « Les Rois maudits » avait été le résultat d'un travail d'atelier. Au nombre des collaborateurs qu'il remercie dans sa préface, on relève les noms de Gilbert Sigaux, Matthieu Galey, Pierre de Lacretelle, José-André Lacour et Edmonde Charles-Roux parmi quelques nègres de moindre envergure5. Avec ces deux sagas, ainsi que les romans mythologiques Alexandre le Grand et les Mémoires de Zeus, il semble se spécialiser dans le roman historique, réputé « écrivain pessimiste », tout en s'aventurant dans la littérature jeunesse avec Tistou les Pouces verts et en écrivant des nouvelles. Après divers prix prestigieux, dont le prix Pierre de Monaco qui récompense l'ensemble de son œuvre à 48 ans en 1966, il est élu, le 8 décembre de cette même année, au 30e fauteuil de l’Académie française, succédant à Georges Duhamel. Il participe entre 1969 et 1970 à la Commission de réforme de l'ORTF.

Le résistant gaulliste reste engagé politiquement durant toutes ces années. Peu à peu, le romancier laisse à l'écrivain engagé et au polémiste, publiant tour à tour l'Avenir en désarroi où il analyse les mouvements de Mai 68, Une église qui se trompe de siècle dans lequel il critique l'évolution de l'Église catholique, ou une édition augmentée de ses Lettres d’un Européen, publiées initialement durant la guerre, et dans lesquelles il prend parti pour une Europe des Nations avec monnaie unique et suppression des frontières. Ne refusant pas l'étiquette de conservateur, il écrit « Dussé-je souffrir encore quelques vices dans ma société libérale, je ne suis pas monté de l'amibe à l'homme pour retomber à la société d'insectes. Je refuse de devenir le complet assisté, donc le complet esclave d'une société égalitaire, dont rien ne m'assure d'ailleurs qu'elle serait moins vicieuse ou viciée que la mienne, puisque ce seraient tout de même des hommes, quelques hommes, qui la commanderaient. »

Maurice Druon est nommé le 5 avril 1973 ministre des Affaires culturelles par Georges Pompidou. La nomination de cette figure historique du gaullisme, seul membre du gouvernement à ne pas être élu, homme de lettres popularisé par ses succès littéraires et l'adaptation télévisuelle des Rois Maudits, résistant ne cachant pas son goût pour l'ordre, doit permettre de calmer une majorité échaudée par le projet du Centre Beaubourg. Qualifié de « Malraux de Pompidou » par Paul Morand et de « Malraux du pauvre » par L'Humanité au moment de sa nomination9, en référence à l'écrivain premier titulaire du ministère des Affaires culturelles, il s'appuie sur son succès littéraire et télévisuel pour assoir sa légitimité politique, affirmant à Jean Mauriac : « Et puis, au fond, mes lecteurs ne sont-ils pas mes électeurs ? ». « Logique qui donne l'Élysée à Guy Lux et Matignon à Zitrone » lui répond Maurice Clavel. Par ces premières déclarations abruptes, il se fait « chantre national » selon le mot de Pompidou —il inaugure son ministère en jugeant que Picasso « doit beaucoup à la France »— et incarne une culture conservatrice comme « intellectuel à contre courant » selon le Monde, s'étonnant que l'on puisse représenter Les Paravents de Jean Genet, dans un théâtre public, car « il appartient à l'Etat de faire respecter la liberté d'opinion mais non de financer les adversaires de l'Etat ». 

Ainsi, quand il menace les directeurs de théâtre subversifs de leur couper les subventions en proclamant que « les gens qui viennent à la porte de ce ministère avec une sébile dans une main et un cocktail Molotov devront choisir », il fait craindre à l'aspiration d'un art officiel et provoque la polémique : après la parution dans le Monde de la réponse de Roger Planchon puis de celle de Jean-Louis Barrault qui dénonce « le clairon de la répression culturelle », une procession funèbre silencieuse symbolisant la mort de la liberté d'expression rassemble le 13 mai 1973, à l'initiative de plusieurs metteurs en scène, dont Ariane Mnouchkine, Jean-Pierre Vincent, Jean Jourdheuil et Bernard Sobel, avec le soutien de la gauche, plusieurs milliers de manifestants.

Cependant, malgré l'apparente rupture avec l'ouverture et la modernisation voulue par Jacques Duhamel, Maurice Druon inscrit ses actions dans la continuité de son prédécesseur, conservant à leur poste les principaux directeurs du ministère, et reconduisant Jacques Rigaud comme directeur de cabinet, jusqu'au départ de ce dernier et son remplacement par Dominique Le Vert. Ses relations au sein du ministère sont parfois délicates, ses différends avec Pierre Emmanuel provoquant la démission entière du Conseil du développement culturel, créé en décembre 1971 à la suite de la commission culturelle du VIe plan. Et, si la censure au cinéma persiste, à travers l'interdiction d'Histoires d'A de Charles Belmont et Marielle Issartel, qui présente un avortement par aspiration en direct, et le refus de distribution de La Bonzesse de François Jouffa, racontant l'histoire d'une femme qui se prostitue pour payer un voyage à Katmandou, les coupes et interdictions sont restées limitées sous ce ministère selon Emmanuel Wallon.

Sous son ministère, doté d'un budget d'environ 0,5 % du budget de l'État, pas encore grevé par les travaux de Beaubourg, est créée l'Association française pour les célébrations nationales, tandis que la Caisse nationale des Lettres du ministère de l'Éducation nationale est transférée, sous le nom de Centre national des Lettres, à celui des Affaires culturelles, avec des attributions élargies à l'aide aux auteurs et à la littérature francophone non française8. De nouveaux Centres d'action culturelle (CAC) sont homologués à Annecy, Douai, Fort-de-France, Montbéliard et Paris (Carré Thorigny), les orchestres nationaux se mettent en place à Toulouse, Bordeaux et Alfortville8, les budgets des théâtres nationaux sont augmentés et la Comédie-Française rénovée.

Il n'est pas reconduit dans le troisième gouvernement de Pierre Messmer en mars 1974. Il entre au comité central de la nouvelle formation gaulliste, le Rassemblement pour la République, et siège à son conseil politique en 1979 et 1980. Vingt ans plus tard, il critique dans une tribune du Figaro le parti de Jacques Chirac auquel il dénie la filiation à Charles de Gaulle et qu'il juge n'avoir été conçu que comme « un ascenseur destiné à hisser un présidentiable ». Il est élu député RPR de Paris de mars 1978 à mai 1981. Il occupera divers postes diplomatiques ou politiques comme membre du Conseil franco-britannique ou représentant aux Assemblées parlementaires du Conseil de l'Europe et de l'Union de l'Europe occidentale, démissionnant de ses fonctions après mai 1981. Secrétaire perpétuel à partir du 7 novembre 1985 en remplacement de Jean Mistler, il limite l’évolution de l’Institut4, critiquant l’élection de la première académicienne, Marguerite Yourcenar, en craignant que « d’ici peu vous aurez quarante bonnes femmes qui tricoteront pendant les séances du dictionnaire ». Il ouvre la Coupole aux auteurs francophones et contribue à y faire entrer des grands noms tels Fernand Braudel, Georges Duby, Claude Lévi-Strauss.

Déclarant dans son discours de réception à l’Académie en 1967 que « la civilisation est d’abord un langage », il intervient régulièrement sur l’évolution, qu’il souhaite très lente, de la langue française face à la société, particulièrement hostile sur la féminisation des noms de métiers. En 1990, à l’occasion des réflexions sur la nouvelle orthographe demandée par Michel Rocard, il prend parti pour des rectifications limitées, et surtout non restrictives, pour que ce soit l’usage qui ratifie les évolutions de la langue. Il publie Lettre aux Français sur leur langue et leur âme en 1994 et Le Bon Français en 1999. Plus tard, en 2006, sa critique du français « pittoresque » des Québécois, comparée à la langue « très sûre, très pure, très exacte » cadrée en France au xviie siècle lui a valu plusieurs critiques au Québec. Il joue un rôle important lors de la création du programme franco-britannique des Bourses Entente Cordiale, comme il y fait référence dans son discours prononcé à l’occasion de sa nomination comme Chevalier commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique.

Il abandonne le secrétariat perpétuel en octobre 1999, au profit d’Hélène Carrère d'Encausse, afin de pouvoir lancer librement l’essai polémique, La France aux ordres d’un cadavre (ce cadavre étant le communisme), puis Ordonnances pour un État malade. Devenu au 1er janvier suivant, secrétaire perpétuel honoraire, il conserve sa position de « gardien du Temple », et s’oppose virulemment à l’entrée sous la Coupole du Quai Conti de l’ancien président de la République, Valéry Giscard d'Estaing, en 2003. Il continue à prendre la parole sur la politique française, prenant parti pour Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, fustigeant le candidat François Bayrou, prenant parti en faveur de la lecture de la lettre de Guy Môquet dans les écoles, ou encore comme témoin de moralité lors du procès de Maurice Papon en 1998, considérant que le procès avait été fait en 1945 et qu’il ne faut pas « juger avec nos yeux instruits d’aujourd’hui mais avec nos yeux aveugles d’hier ». Il collabore également comme chroniqueur irrégulier au Figaro, rassemblant ses écrits en plusieurs ouvrages dont Le Bon français (1996-1999) et Le Franc-parler (2001-2002).

À la mort d’Henri Troyat, en 2007, l’ancien benjamin des « Immortels » devient le doyen d’élection. Amoureux des vieilles pierres, il découvre en 1965 et restaure après l’avoir racheté le site gallo-romain de Thésée avant d’en faire don au département en 1976, il milite pour la reconstruction du Palais des Tuileries, achète en 1972 les ruines de l'abbaye de Faize (xiie siècle), sise aux Artigues-de-Lussac dans le Libournais (département de la Gironde), qu'il restaure dans les années 1970, où il passe beaucoup de temps et reçoit nombre de personnalités. Il choisit d'y être inhumé. Le service religieux de ses obsèques a été célébré le 20 avril 2009 dans la cathédrale Saint-Louis des Invalides par Mgr Claude Dagens, de l'Académie française, en présence du président de la République française, Nicolas Sarkozy, de plusieurs hommes d'État et de personnalités. Les honneurs militaires ont été rendus dans la cour de l'hôtel des Invalides par le chef de l'État, au son du Chant des partisans, dont Maurice Druon était le coauteur.

Grâce aux Rois maudits qui furent traduits en de nombreuses langues et à la série télévisée vendue à des chaînes étrangères, Maurice Druon acquiert une notoriété internationale importante. Il a été membre de plusieurs académies, comme celles d’Athènes, du royaume du Maroc et l’Académie roumaine. En 2002, il reçoit chez lui Vladimir Poutine à l’abbaye de Faize (dont un oncle de Montesquieu avait été abbé commendataire) dans le Libournais. Ce dernier déclare à sa mort qu’il « salue la mémoire d’un ami fidèle de la Russie ». Le président Dmitri Medvedev quant à lui a regretté la disparition « d’un éminent acteur de la culture mondiale. »

Publié dans Ecrivains

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